Le chaos, une rencontre bonne ou mauvaise ?

S’il s’agit d’une rencontre, alors comme toutes les rencontres, elle est bonne car de la rencontre naît la curiosité, l’apprentissage et l’élévation de la conscience. Sortir de l’ignorance est un aller vers le mieux-être. N’est-ce pas notre aspiration profonde que d’apprendre à chaque instant ?

Si la rencontre est intense passionnelle, elle risque de bloquer le mouvement de la vie, de devenir toxique et ainsi son intensité a de fortes chances de provoquer une sidération, une incompréhension de ce qui nous arrive.

Les chaos psychologiques sont très souvent des chagrins d’amour à forte intensité qui révèlent une grande dépendance affective. L’amour ressemble plus à une réparation qu’à une construction, une élévation que permet la rencontre amoureuse.

Jean qui ne ratait pas une consultation, s’est laissé aller à pleurer autant qu’il en était nécessaire au tout début de nos rencontres. Ses larmes coulant comme une rivière en crue l’empêchaient de parler, et quand il le pouvait enfin, ses pensées se bousculaient, l’entraînant dans une incohérence totale !

L’intensité du chaos dans lequel il se trouvait provoquait des peurs impossibles à raisonner. Il se trouvait dans la phase la plus intense de son chagrin, une souffrance qui lui faisait perdre contact avec sa réalité environnante, pour rentrer dans une réalité énigmatique, bizarre mais surtout effroyable. Les conséquences psychiques de sa souffrance ne nécessitant à ce moment-là de la thérapie que patience, tendresse et écoute, le temps viendra où je pourrai m’approcher de lui afin qu’ensemble nous puissions aller à la limite, du chaos. La psychothérapie permettra de dénouer le « mal de vivre » et tentera de traduire le choix de « cet objet d’amour » qui n’était pas le bon objet à ce moment de la vie. Mais viendra le temps où nous pourrons reconnaître que ce mauvais choix inconscient était à sa juste place, juste présent pour lui indiquer son immaturité amoureuse. Le chaos et la détresse dans laquelle il se trouve lors de cette séparation, réveille des failles, des blessures d’abandon.

Le besoin d’un enfant qui a peur de grandir ne demande que des bras d’un parent maternant, ensuite seulement lorsque la paix fera surface, les mots prendront la place.


Chaos, quelle signification ?  Chaos scientifique, psychologique, cardiaque …

Le chaos se définit par l’impossibilité pratique de comprendre le futur en fonction du
passé.

Raymond Poincaré

Cette définition a été un réel bouleversement autant chez les mathématiciens, physiciens que les psychologues. Accepter de ne pas savoir, de ne pas maîtriser : nous sommes dans un système de pensées où l’Ego devient fragile.

Il a fallu attendre le 20e siècle pour que ces derniers puissent s’approprier la théorie du chaos, c’est ainsi que la théorie des probabilités avec l’imprécision et la notion de l’imprévisibilité est apparue. Le principe de causalité sur lequel reposait le déterminisme, c’est-à-dire une philosophie selon laquelle la succession des événements et des phénomènes est due à une cause ; « le présent détermine l’avenir » ne pouvait pas se vivre dans la pratique. Ce que nous savons actuellement est que partout où se trouve la science, elle trouve le chaos, de même partout où est la vie se trouve le chaos.


Le tourbillon émotionnel, un chaos psychologique.

    Jean était en couple depuis peu, deux ans. Il se sentait très amoureux, dit-il, malgré des conflits répétitifs dont la violence allait crescendo. A ne rien y comprendre, lorsque la phase aiguë de la colère disparaissait, ils tentaient de mettre des mots, se promettant une vigilance à la prochaine crise. Mais elle revenait et revenait encore, de plus en plus vite ; impossible de la contrer … les cris, les pleurs, des comportements de souffrance se mettant en place. Le plaisir de se rencontrer autour d’un verre s’était tranquillement transformé en plaisir toxique. Jean était dans l’incapacité de supporter les tensions de ce couple, il trouvait dans l’alcool le refuge le plus rapide et efficace pensait-il. Jean est devenu alcoolique.

    Il se décide à consulter. Il n’était plus maître de ses réactions, de ses pensées. Il arrivait toujours à travailler, c’était peut être le seul endroit de sa vie où il se sentait bien. Ils devaient se rendre à l’évidence qu’une séparation s’annonçait mais cette pensée l’entraînait dans un gouffre effroyable, encore plus terrible que les crises.

    Il avait sans cesse besoin de sa présence. Il n’était rien sans elle et devenait fou en sa présence. Que faire ? Là où se trouvait des certitudes sur son avenir avec elle et dans sa vie, un mariage, des voyages, une construction, tout s’effondrait d’un coup d’un seul. Une absence de repère. Plus jamais sa vie ne sera comme avant, c’était une certitude pleine d’imprévisibilité et d’imprécision qui le rendait complètement fou.

S’il avait rencontré  la philosophie d’Héraclite d’Éphèse qui vécut à la fin du VIe  siècle avant JC, voilà ce qu’il lui aurait dit : « L’être est éternellement en devenir, les choses n’ont pas de consistance et tout se meut sans cesse : tout devient tout, tout est tout. Ce qui veut dire qu’il a répondu à la première crise avec la seule réponse qu’il connaissait : une réaction émotionnelle et ainsi de suite. Ce n’est pas tant le conflit qui est important mais la violence surprenante qui bloque l’expression des mots. Il avait peur ! Cet homme plein de certitude donnait jusqu’alors des réponses à la vie.

    La vie, lui proposait de se découvrir, de se rencontrer pleinement et enfin de goûter un amour qui permet la créativité de sa vie. Mais saurait-il prendre et écouter le message ?