Bonheur & thérapie

Question : La thérapie permet-elle d’être heureux ?

Armelle EPINEAU : Non, en tous cas de ma croyance, de ma place de thérapeute, je ne crois pas.

Ce n’est pas la question du bonheur, ce n’est pas l’essentiel même de la thérapie.

Ce qui est important pour moi c’est la question de la liberté, d’être libre, d’être libre de ressentir. Parce que ce que l’on constate actuellement c’est que l’on est beaucoup coupé : la tête d’un côté le corps de l’autre. Alors comme on ne peut pas divorcer de son corps on est souvent mal marié. Et lorsqu’on vit sa vie avec la tête, on ne peut pas ressentir, les émotions, on ne peut pas ressentir ce qu’il y a de bon pour soi, et la question du bonheur elle ne peut pas se poser.  On peut toujours aller acheter tous les livres que l’on voit actuellement.

    On peut toujours lire le bonheur mais de là à gouter le bonheur il y a un chemin à prendre.

On va beaucoup trop vite, l’être humain n’est pas fait pour aller aussi vite que le rythme du monde. Le temps est en notre faveur, il est nécessaire d’aller doucement.

Et puis lorsque les gens arrivent pour vivre un travail thérapeutique, ils sont noyés, noyés dans l’ignorance, dans l’incompréhension de ce qu’il se passe pour eux de ce qui leur arrive. Ils sont juste noyés dans leur chagrin dans leur colère, dans la haine, dans un espace où ils ne comprennent absolument rien. Alors réfléchir à la question du bonheur ce n’est pas le moment ce n’est pas le bon tempo.

C’est déjà de comprendre ce qu’il se passe, de prendre le temps, de prendre le temps d’écouter, de mettre des mots et de voir quelles sont les parties infantiles qui sont en train de pleurer, en train de crier, qui ont mal et on ne peut pas poser la question du bonheur.

Il viendra un temps, lorsque ces parties infantiles, on aura pris le temps de les entendre, qu’on aura pris le temps de répondre aux besoins qui sont frustrés de l’enfant. L’enfant va grandir, un enfant suffisamment grand pourra se poser lui-même la question « de quoi j’ai besoin pour être heureux ? » lui-même il pourra le faire. Mais il faut sortir de ça.

Ce que je constate actuellement c’est des gens qui font un tel chemin, tellement de stages, qui lisent, qui lisent, qui lisent mais quand je les vois ils me disent : « une thérapie ça sert à rien, je ne vais pas mieux. Je ne me sens pas mieux ».

On peut être pareil avec la spiritualité, cette obligation d’être bon élève, de bien méditer, d’avoir une bonne intention, de tout bien faire, et on met une telle pression à vouloir faire les choses que l’on nourrit par la même une grande tristesse une grande souffrance. Et si l’on écoute pas la colère, on n’écoute pas la souffrance, si on ne prend pas le temps d’avoir ce RDV avec soi-même, qu’on ne s’y trompe pas, on peut toujours parler du bonheur et faire semblant.

On peut être beau on peut tout avoir, tout posséder même, avoir les bonnes paroles ; on peut même bien parler de la spiritualité de la méditation mais il y a toujours qqch qui crie à l’intérieur et quand ça crie à l’intérieur il y a le mental qui tourne en rond. Cet espèce de hamster qui n’arrête pas de tourner, et c’est une lutte pour ne pas entendre ce hamster. C’est une lutte et je ne crois pas qu’on puisse être heureux à ce moment-là.

Le bonheur ce n’est pas la question c’est vraiment la question de la liberté. Etre libre de ressentir, libre de s’écouter, d’écouter ce qui se passe à l’intérieur de soi et pour pouvoir s’écouter il faut du temps il faut su temps on ne peut pas aller trop vite.
Question : Comment faire alors ?

Armelle EPINEAU : C’est déjà de prendre conscience que l’on ne va pas bien, c’est énorme, la prise de conscience, de pas aller bien, on est un peu comme le poisson dans le bocal. Le poisson ne sait pas qu’il est dans le bocal, et qq fois on ne sait pas qu’on est triste. On ne sait pas que l’on va pas bien.

On s’en rend compte au moment on commence la somatisation, on commence à avoir des crises d’angoisses, on commence à avoir des douleurs, des migraines, des dorsalgies, on se souvient rarement de nos rêves, et à partir de ce moment-là, c’est le temps de la réflexion c’est de prendre conscience, de dire « je ne vais pas bien ».

C’est énorme, de dire je ne vais pas bien, et puis on prend un RDV alors effectivement il y a des professionnels, qui vont s’appeler : des psychologues, des psychothérapeutes, des psycho praticiens, les personnes qui sont là. C’est prendre un RDV, et puis surtout de faire confiance, c’est surtout de faire confiance. A partir du moment où on prend la décision de donner, de se donner, de se raconter ; tout ça ça repose sur la confiance.

Et moi je me dis que ce n’est pas très important la façon dont on travaille. Vous savez je crois que c’est un peu comme un peintre. Il y a des peintres qui ont plein de techniques et on va aimer cette technique ou pas et c’est pareil pour des thérapeutes. Nous avons une façon de travailler qui est confortable pour soi, pour le thérapeute, et ça va nous permettre d’amener, et d’avoir un discours qui soi confortable pour soi, mais ça ce n’est pas très important.

Moi je me dis que, s’il y a un lien d’amour, parce qu’il faut un lien d’amour dans un couple thérapeutique, et si nous trouvons ce lien d’amour avec une seule personne et bien ça permet de trouver ce lien d’amour à plein d’espace de la vie. Parce qu’il faut savoir que quand on vient en thérapie les liens d’amour son complément abimés. Il n’y a plus de confiance et si on trouve la confiance avec une seule personne alors à ce moment-là c’est gagné.

    Là il se passe qqch à ce moment-là qui est presque fondamental dans le processus de l’alchimie de la transformation de la souffrance.